Sunday, June 12, 2011

L’effet des vœux des parents (La Détresse et l'Enchantement de Gabrielle Roy)



La Détresse et l’Enchantement est un livre autobiographique de Gabrielle Roy. En rencontrant ses expériences enfantines, Roy montre au lecteur les effets de l’infériorité, des préjugés, et du malheur des aïeux et leurs déplacements constants dans le but de trouver une meilleure vie. Mais, ironiquement ce n’est pas le monde extérieur qui a le plus grand effet sur Gabriel ; on ne peut pas nier que la pression la plus forte sur elle est celle de sa famille.
Les parents veulent toujours que leurs enfants soient heureux, et les parents de Gabrielle ne sont pas des exceptions. C’est admirable pour les parents de vouloir le mieux pour les enfants, mais comme le montre Roy, il y a toujours des conséquences. Les pauvres enfants doivent lutter contres les sentiments d’infériorité et d’incertitude qui viennent des parents qui cherchent toujours une meilleure vie.
Un des grands thèmes de La Détresse et l’Enchantement la pression qu’elle ressent  de devoir essayer de venger la vie dure de ses parents : « Ce serait à moi, l’esprit agile, la tête pas encore toute cassée par de constants calculs, de me mettre à apprendre l’anglais, afin de nous venger tous » (15). Elle se mis à ses études : « Alors je lui annonçai qu’à l’école, dès lors, je serais toujours la première de ma classe… » (37). Et elle fait tout à cause de ses parents, de leur vie difficile et pauvre, parce qu’elle se sent obligée de réaliser leur désir pour elle d’avoir une vie meilleure  que la leur. Elle veut quitter Saint Boniface et comme le dit Desruisseaux-Talbot dans son article : « Ce désir de quitter sa ville et ses proches est présenté à maintes reprises par la narratrice comme la conséquence de son désir de venger les siens de leur vie de misère. »
Elle s’applique à ses études pour sa mère et son père et elle réussit à être la première de la classe : « […] je finissais parmi les premières de ma classe. Cette nouvelle, [qui] eût tant réconforté les derniers jours de mon vieux père […] » (102). On peut voir dans l’histoire que ce sont les influences de ses parents qui l’ont poussée à s’enterrer dans les études ; elle sent toujours la douleur de sa grande ligne d’ancêtres maltraités et elle pense toujours aux vœux de ses parents: « C’est pourtant ce que tu as voulu pour moi toute ta vie, que je m’en aille faire la classe » (107). Selon Desruisseaux-Talbot : « La jeune Franco-Manitobaine qui nous est peinte dans La Détresse et l’Enchantement est tenaillée, en effet, par un ardent désir d’élévation et par une ambition dévorante. » Cette obsession qui vient de tous ses ancêtres, mais surtout du ses parents, la consomme.
On ne peut pas nier que sa mère l’aime énormément :
Je ne comprenais vraiment rien à maman, à certaines heures. La femme la plus fière, qui passait des nuits à coudre pour ses filles des robes aussi belles que celles des filles des notables le plus riches de la bille, qui trouvait Dieu sait où l’argent de nos leçons de piano, la femme la plus stoïque aussi que jamais je n’ai entendu avouer une douleur physique, ni même, plus tard, le terrible mal de la solitude, dès qu’étaient mis en cause la santé, le bien-être, l’avenir de ses enfants, elle aurait pu se faire mendiante aux coins des rues.  (21)
Et elle dit elle-même qu’elle pense « que ce doit être le pire chagrin au monde que de savoir ses enfants malheureux » (136).  Mais la mère voudrait que ses enfants aient des vies riches et faciles, et son amour encourage Gabrielle à être complètement fidèle à sa mère. Sa fidélité lui fait faire n’importe quoi pour rendre sa mère fière.
Et, en fait, la mère de Gabrielle est vraiment fière de sa fille cadette. On peut voir sa fierté, de manière très évidente quand elle réagit aux médailles que Gabrielle reçoit : « […] elle était éblouie par mon tiroir plein de grosses médailles, et je la soupçonne de l’avoir souvent ouvert quand elle était seule pour les admirer à son aise » (69). Mais en même temps que la mère encourage Gabrielle à ‘venger’ sa famille, elle transmet un message opposé. Comme Gabrielle est la cadette et qu’elle est une des dernières filles à rester chez sa mère, la mère a l’instinct de garder Gabrielle chez elle. Celui, et les avis de ses sœurs qu’elle doit rester avec sa mère, crée un autre malheur chez Gabrielle, l’incertitude. Un bon exemple de cette dualité est la réaction de sa mère quand Gabrielle lui annonce qu’elle a reçu son premier poste :
 Elle finit par venir s’asseoir à la grande table où elle joignit les mains et regarda devant elle, avec des yeux qui ne pouvaient y croire, l’inévitable douleur qu’elle s’était elle-même préparée. Et moi, la voyant triste alors que j’avais espéré lui faire plaisir […]. (107)
Gabrielle souffre non seulement du besoin de satisfaire sa mère, mais aussi de l’angoisse interne qui provient de ne pas savoir la vraie terre natale de sa famille. Ses grands-parents étaient très pauvres et à cause de ceci ils ont immigré au Canada. Mais ils ne se sont pas vraiment installés parce qu’ils cherchaient toujours une meilleure vie pour leurs enfants.
Ce manque de patrie lui cause beaucoup de détresse. Elle se demande où elle va finir : « […] il me sembla que nous prenions place dans l’interminable exode. Jusqu’où irions-nous donc à la fin des fins ? » (30).
À cause du déménagement de ses parents, elle se sent toujours chez elle comme un étrangère inférieure aux enfants anglophones : « Quand donc ai-je pris conscience pour la première fois que j’étais, dans mon pays, d’une espèce destinée à être traitée en inférieure ? » (11). En essayant de créer une vie plus facile pour Gabrielle, ses parents ont déménagé au Manitoba, mais Gabrielle y est étrangère, et elle a besoin de travailler plus dur pour réussir : « Les minorités ont ceci de tragique, elles doivent être supérieures … ou disparaître… » (85). Et le sentiment d’infériorité ne vint pas seulement de Gabrielle elle-même mais aussi des autres, les Canadiens anglophones et aussi les Français. Ce sentiment de supériorité des Français envers les Canadiens français existe encore aujourd’hui selon l’article de Bon qui avoue : «  J’ai fini par comprendre qu’il n’est pas bon d’évoquer Gabrielle Roy devant mes étudiants – si je parle d’elle lors d’un cours sur Sarraute ou Michaux ou Ponge, contemporains de Gabrielle Roy […], ils ont un sourire condescendant. »  Elle est vue donc comme inférieure au Canada et en France. Malgré les efforts de ses aïeux, il y a nulle part où elle est vue comme une égale. La seule conséquence de leur cherche à Gabrielle est d’ajouter plus d’incertitude à sa vie parce qu’elle n’a pas de patrie.
C’est ainsi qu’elle illustre dans son livre que ce n’est pas toujours bon trop de chercher trop une vie meilleure, et que cela peut vraiment stresser les enfants. En fait, c’est si difficile pour Gabrielle qu’elle commence à essayer de tout quitter : « C’est en effet dans la littérature que Gabrielle Roy aura toute sa vie cherché à se sauver elle-même, en échappant à son milieu familial et social. Mais cet arrachement, cette rupture ne vont pas sans une profonde douleur, sans une immense culpabilité » (Lepage). Gabrielle doit vivre avec ce sentiment de culpabilité, une autre conséquence malsaine.
On voit vraiment son sentiment de culpabilité et son désir de quitter la douleur de sa famille quand elle part finalement pour l’Europe : « je ne partais pas pour la venger, comme j’avais tellement aimé le croire, mais, mon Dieu, n’était-ce pas plutôt pour la perdre enfin de vue ? Elle et nos malheurs pressés autour d’elle, sous sa garde ! » (242) et plus tard : « Est-ce que je n’ai pas lu alors dans mon cœur le désir que j’avais peut-être toujours eu de m’échapper, de rompre avec la chaîne, avec mon pauvre peuple dépossédé ? Qui de nous ne l’a un jour souhaité ? Une si difficile fidélité ! » (243).
Gabrielle illustre les effets que l’amour parental peut avoir sur les enfants. Elle montre que quand on essaye trop d’améliorer la vie des enfants, ça peut mettre beaucoup de stresse sur les mêmes enfants qu’on essaye de rendre heureux. Et aussi, même si quelquefois c’est la meilleure décision de déménager dans un pays plus riche où on sera plus d’une minorité, ça peut aussi donner aux enfants le sentiment de ne pas avoir de patrie, et ça peut créer beaucoup d’agitation pour l’enfant en luttant pour découvrir où il appartient.
Le livre La Détresse et l’Enchantement de Gabrielle Roy est vraiment un témoignage des difficultés de la vie des enfants de parents immigrés et pauvres. C’est clair qu’elle a beaucoup souffrir aux mains de ses parents affectueux. Les attentes, le dépaysement, et les vœux des parents peuvent vraiment faire du mal aux enfants.


Les œuvres citées
Bon, Francois. "écrire sans roman : Gabrielle Roy." Le tiers livre. 24 Decembre 2009. 16 Mai 2011. <http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article1989>
Desruisseaux-Talbot, Amélie. "Le dernier soufflé autobiographique : J.-J. Rousseau et Gabrielle Roy." Encyclopédie Thématique [En Ligne]. 7 Mai 2011. <http://agora.qc.ca/thematiques/rousseau.nsf/SectionsDeTheses/Le_dernier_souffle_autobiographique___J-J_Rousseau_et_Gabrielle_Roy_La_Detresse_et_
lEnchantement_ou_la_vie_agrandie_DE_291>.
Lepage, Yvan G., «Gabrielle Roy : remords et confession», @nalyses [En ligne], Comptes rendus, Québec, 8 Mai 2011. Mis à jour le : 11/01/2008,  <http://www.revue-analyses.org/index.php?id=703>.
Roy, Gabrielle. La Détresse et l’Énchantement. 3e. Canada: Bibliothèque nationale du Québec, 1996.

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